Ce qu’il faut pour assurer une transition
vers le Data-Driven Decision-Making

Par Vincent Coulombe
Data Driven Decision Making

Je l’avoue, je suis un grand fan du travail d’Erik Brynjolfsson (auteur, professeur au MIT et chercheur), et particulièrement de ses études sur l’impact économique de l’intelligence artificielle (IA) et de la numérisation de nos industries. Je vous invite d’ailleurs à lire son dernier livre « The Second Machine Age: Work Progress and Prosperity in a Time of Brilliant Technologies » qui parle justement de l’impact concret de la montée de l’IA sur les entreprises en cette période où la main d’œuvre se laisse de plus en plus désirer. Brynjolfsson est donc non seulement intéressant, mais également au premier plan de la recherche sur l’industrie 4.0.

Ce qui démarque ce chercheur des autres sommités dans le domaine, c’est la quantité phénoménale de données sur la numérisation des entreprises manufacturières qu’il a réussi à amasser. En effet, depuis 2005, son équipe et lui étudient l’évolution numérique de près de 50 000 usines américaines! Ce qui donne beaucoup de données! En fait, ce projet est amorcé depuis si longtemps que la plupart des premières entreprises suivies n’existent même plus aujourd’hui. Vous pouvez donc vous imaginer que l’analyse de toutes ces données particulièrement riches nous permet d’avoir une bonne idée de comment mettre les chances de son côté lorsqu’on décide de prendre le fameux virage numérique…

L’article de blogue que je vous propose est justement un résumé du dernier rapport de cette étude. Cette étude présente les six caractéristiques que partagent les organisations qui ont adopté efficacement une approche basée sur le Data-Driven Decision-Making.

1. L’investissement en technologie de l’information (TI)*

LA raison pour laquelle on parle d’une 4e révolution industrielle (voir mon autre article sur le sujet) est que la technologie est rendue abordable. Merci le Cloud! Il n’est en effet pas si loin le temps où il était impossible de suivre en temps réel le déplacement d’une pièce précise sur une chaîne de montage ou bien la qualité de l’ajustement d’une machine. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il est de plus en plus question de concepts comme l’internet des objets ou le Big Data (sujets de prochains blogues) depuis 4 ou 5 ans. Ainsi, un dollar investi en TI en 2022 est plus payant qu’un dollar investi en TI en 2000.

De plus, il existe (sans surprise) une corrélation claire entre le niveau d’investissement d’une entreprise et son niveau de digitalisation. Cette fameuse digitalisation est de plus en plus abordable. Pour les organisations qui n’ont pas encore joint la parade, c’est donc un bon moment pour le faire.

2. La présence d’experts consultants

Selon les résultats obtenus par l’équipe de M. Brynjolfsson, les entreprises faisant appel à des experts consultants ont tendance à numériser plus efficacement leurs activités et à en retirer davantage de valeur ajoutée que leurs compétiteurs. Les auteurs font l’hypothèse que ces gains sont dus au fait que les entreprises ayant un partenariat avec des experts consultants ont tendance à avoir une meilleure compréhension des défis et enjeux liés à l’adoption des nouvelles innovations TI.

3. Le niveau d’éducation du personnel*

Dans la publication, le niveau d’éducation des employés est intimement lié au niveau de data-driven decision-making et de digitalisation de l’entreprise. Donc plus le niveau d’éducation est élevé dans une organisation, plus les décisions sont prises en s’appuyant sur les données. Dans le contexte actuel de pénurie de main d’œuvre, je crois cependant qu’il est possiblement plus difficile d’être aussi sélectif dans l’embauche du personnel.

4. Le nombre d’employés dans l’entreprise

Les organisations de grande taille sont davantage orientées vers le data-driven decision-making (probablement dû à l’économie d’échelle). Mais cela ne signifie pas que ce soit une condition essentielle à mon avis. Je crois que la digitalisation des processus est accessible aux organisations qui ont une culture orientée sur les données, même si elles ont une taille plus modeste.

5. Les pratiques de gestion*

Les auteurs ont également associé l’innovation numérique efficace à deux pratiques de gestion : la diffusion à l’échelle de l’usine des objectifs de production et la rémunération au rendement. Cela est probablement dû au fait que les employés qui se sentent impliqués et qui savent ce qui est attendu d’eux ont davantage tendance à utiliser les données pour appuyer leurs décisions et à mesurer leurs efforts.

6. L’ancienneté des dirigeants

Moins l’ancienneté des dirigeants dans l’organisation est grande, plus ils ont tendance à s’appuyer sur les données pour prendre leurs décisions. Je pense que les dirigeants les plus expérimentés ne sentent pas le besoin de quantifier les problématiques. Ils ont plutôt tendance à se fier davantage à leur gut feeling pour gérer l’organisation.

*Les auteurs mentionnent aussi qu’une corrélation existe entre le niveau d’éducation du personnel (3), les pratiques de gestion (5) et l’investissement en TI (1). Il serait alors possible de stipuler que les gains associés à ces trois traits ne sont pas mutuellement exclusifs.

Cette étude vient donc démontrer ce que bon nombre d’entre vous auriez pu déduire intuitivement. La valeur d’une telle étude est justement de venir étayer des hypothèses en se basant sur un grand nombre de données amassées depuis plus de 15 ans auprès de près de 50 000 entreprises. Elle permet donc de dégager certaines des caractéristiques communes aux organisations qui ont le potentiel de réussir leur transition vers le data-driven decision-making. Voilà qui devrait servir de stimulant pour les dirigeants qui sont réticents à démarrer la digitalisation des processus de leur entreprise ou à poursuivre la réalisation de leur projet déjà amorcé!

Références


  1. Provost, F., & Fawcett, T. (2013). Data science for business: [what you need to know about data mining and data-analytic thinking]. 
  2. McAfee, A., & Brynjolfsson, F. (2017). Machine, Platform : Crowd: Harnessing Our Digital Future. 
  3. Brynjolfsson, Erik and Jin, Wang and McElheran, Kristina Steffenson, The Power of Prediction: Predictive Analytics, Workplace Complements, and Business Performance (April 30, 2021).  
  4. Nikolas Zolas & Zachary Kroff & Erik Brynjolfsson & Kristina McElheran & David Beede & Catherine Buffington & Nathan Goldschlag & Lucia Foster & Emin Dinlersoz, 2020. «Advanced Technologies Adoption and Use by U.S. Firms: Evidence from the Annual Business Survey,» Working Papers 20-40, Center for Economic Studies, U.S. Census Bureau. 
  5. Brynjolfsson, Erik and McElheran, Kristina Steffenson, Data in Action: Data-Driven Decision Making and Predictive Analytics in U.S. Manufacturing (July 6, 2019).  
  6. Bloom, Nicholas, Erik Brynjolfsson, Lucia Foster, Ron Jarmin, Megha Patnaik, Itay Saporta-Eksten, and John Van Reenen. 2019. «What Drives Differences in Management Practices?»