La 4e révolution industrielle : c’est quoi et ça sort d’où?

Par Vincent Coulombe
Le terme révolution étant extrêmement fort pour décrire une innovation technologique, il a été utilisé avec modération
(3 fois) au cours de notre courte histoire industrielle. Mais pourquoi en est-il ainsi? Et surtout, pourquoi parle-t-on
d’une 4e révolution industrielle depuis quelques années?

Les trois premières révolutions industrielles


Une recherche rapide sur Google vous apprendra que les innovations ayant stimulé les trois premières révolutions
industrielles sont respectivement la machine à vapeur, l’électricité et les ordinateurs. Lors de la même recherche,
vous serez rapidement exposés au fait qu’une 4e révolution industrielle serait en branle depuis quelques années et
qu’elle serait causée par la conséquence d’innovations dites numériques, comme l’intelligence artificielle, le Big Data,
l’apprentissage machine (machine learning), etc. Il semblerait en effet que ces innovations auraient le potentiel d’engendrer
suffisamment de perturbations dans notre beau milieu industriel pour être comparées aux grandes avancées des 19e et
20e siècles qui ont engendré les trois premières révolutions industrielles. Pas convaincu? Vous n’êtes pas seul!
Il faut toutefois garder en tête que par sa nature même, une innovation technologique ne créera probablement pas
de valeur ajoutée dès sa découverte.

La valeur ajoutée des innovations en fonction du temps

Historiquement, l’évolution de la valeur ajoutée des innovations dans le monde manufacturier a toujours respecté
le modèle imposé par la fameuse courbe S. Ainsi, dans un premier temps, l’innovation ne produit que très peu de
gain (la phase d’expérimentation) jusqu’à un certain point où celle-ci devient suffisamment mature pour être exploitée
adéquatement, pour finalement, plafonner en fin de vie en attendant d’être écrasée par la prochaine innovation.
La valeur ajoutée (gain) en fonction du temps d’une innovation et de son successeur.

Par exemple, l’électricité fût la base sur laquelle les ordinateurs ont été construits et ceux-ci furent à leur tour la fondation
de l’internet. La morale de l’histoire? Le seul moyen de tirer un avantage compétitif des innovations est de capitaliser
sur celles-ci dans leur phase d’expérimentation! Tout est dans le timing!

Une entreprise qui utilisait l’électricité au début des années 1900 avait un pas d’avance sur la compétition. En 2022,
pas tellement. Parlant de l’électricité, jouons à un jeu. Essayez de deviner après combien d’années les entreprises
ayant initialement adopté l’électricité ont commencé à voir un gain de productivité? 30 ans! Oui, 30 ans! Pourquoi?
Parce qu’au départ, elles ne faisaient que remplacer les machines à vapeur par des machines électriques. Il aura fallu
30 ans, soit une génération complète de dirigeants, avant de commencer à exploiter la flexibilité des machines
électriques pour créer des chaînes de montage. Comme quoi il est très difficile de prédire l’impact à long terme
d’une innovation. Et encore moins facile, voire impossible, de l’utiliser optimalement dès sa découverte…

Mais alors, pourquoi parle-t-on déjà d’une 4e révolution industrielle?

C’est excessivement simple. Même si les innovations numériques sont, pour la plupart, toujours dans la phase expérimentale
de leur courbe S, les utilisateurs précoces de ces technologies (Amazon, Google, Tesla, etc.) ont déjà un avantage compétitif
indéniable par rapport à leurs compétiteurs (Wal-Mart, Yahoo, Ford, etc.). D’ailleurs, plusieurs experts s’entendent pour affirmer
que la montée fulgurante de la prise de décision appuyée sur les données (Data-driven decision-making) au cours de la
dernière décennie est en train de créer une nouvelle génération d’usines plus lean que jamais! Le tout permet à la plupart
des experts de prédire que cette nouvelle technologie, lorsqu’elle aura atteint sa pleine maturité, créera un précédent au
même niveau que la machine à vapeur, l’électricité et les ordinateurs.

Qu’est-ce que le Data-driven decision-making et comment cela crée-t-il de la valeur?

Ce sera le sujet du prochain blogue!

Références

• Provost, F., & Fawcett, T. (2013). Data science for business: [what you need to know about data mining and data-analytic thinking].
• McAfee, A., & Brynjolfsson, F. (2017). Machine, Platform : Crowd: Harnessing Our Digital Future.
• Brynjolfsson, Erik and Jin, Wang and McElheran, Kristina Steffenson, The Power of Prediction: Predictive Analytics, Workplace Complements, and Business Performance (April 30, 2021).
• Nikolas Zolas & Zachary Kroff & Erik Brynjolfsson & Kristina McElheran & David Beede & Catherine Buffington & Nathan Goldschlag & Lucia Foster & Emin Dinlersoz, 2020. «Advanced Technologies Adoption and Use by U.S. Firms: Evidence from the Annual Business Survey,» Working Papers 20-40, Center for Economic Studies, U.S. Census Bureau.
• Brynjolfsson, Erik and McElheran, Kristina Steffenson, Data in Action: Data-Driven Decision Making and Predictive Analytics in U.S. Manufacturing (July 6, 2019).
• Bloom, Nicholas, Erik Brynjolfsson, Lucia Foster, Ron Jarmin, Megha Patnaik, Itay Saporta-Eksten, and John Van Reenen. 2019. «What Drives Differences in Management Practices?»